AGESSA : un scandale national qui touche 95% des artistes-écrivains

En tant qu’éditeur, les Éditions Tesseract sont attentives au monde de l’édition ; et par extension de toutes les sphères qui lui sont corrélées. Aussi, lorsqu’un évènement d’ampleur nationale se produit, il est de notre devoir d’informer — en fonction de notre échelle de légitimité — notre réseau. Depuis plusieurs décennies, des milliers d’écrivains, d’artistes et d’auteurs — souvent modestes, souvent dépendants de revenus irréguliers — ont été spoliés de leurs droits à la retraite. Le régime censé les protéger les a laissés dans l’ombre ; à priori par négligence.

Les faits : absence de cotisation retraite depuis 1977

  • Dès originellement, l’Agessa était chargée de faire cotiser les artistes-auteurs à l’assurance vieillesse ; mais dans les faits, elle a omis de recouvrer ces cotisations pour l’immense majorité d’entre eux.
  • Selon l’enquête syndicale de 2012 (publiée sous le nom « L’AGESSA hors la loi »), 95 % des artistes-auteurs n’étaient pas identifiés — donc non cotisants.
  • Des centaines de milliers de trimestres de retraite n’ont jamais été validés ni comptabilisés.

En d’autres termes : de nombreuses carrières littéraires, parfois longues de plusieurs décennies, ont été effacées des droits sociaux.

La reconnaissance du problème — dès 2011

Le scandale n’est pas un hasard : dès 2011, la Direction de la Sécurité Sociale (DSS) avait alerté l’Agessa, dans une lettre officielle, que le non-respect du Code de la sécurité sociale — c’est-à-dire l’absence de recouvrement des cotisations — constituerait une faute engageant la responsabilité personnelle des administrateurs.

Lors du Conseil d’administration du 16 septembre 2011, les dirigeants avaient clairement pris connaissance des risques.

Pourtant, aucune mesure effective n’a été prise. L’alerte est restée lettre morte.

Révélations, colère et mobilisations

  • En 2012, plusieurs syndicats (notamment le CAAP) publient un rapport dénonçant ces illégalités : l’Agessa fonctionnait hors la loi depuis des décennies.
  • Pourtant, les artistes-auteurs concernés — jusqu’à 190 000 selon les derniers chiffres — ne pouvaient imaginer qu’ils n’avaient jamais cotisé, et qu’ils seraient privés de retraite.
  • Le sentiment d’injustice, de colère, de trahison — « On nous a volé notre retraite ! » — est largement partagé dans la communauté des créateurs.

Nombreux·ses sont celles et ceux qui ont consacré leur vie à la littérature, à l’écriture, à la création — en toute bonne foi — sans jamais savoir que leurs cotisations n’étaient pas versées.

Les conséquences pratiques : retraites amputées, rachat difficile

  • Pendant des décennies, les artistes-auteurs ont travaillé, facturé des droits d’auteur, mais aucun euro n’a été versé pour la retraite. Résultat : des retraites amputées — parfois inexistantes.
  • Depuis 2020, le statut a évolué : les artistes-auteurs sont désormais rattachés à l’Urssaf — mais la réparation reste très partielle.
  • Un mécanisme de « régularisation des cotisations anciennes » existe — mais, fin 2024, moins de 1 % des artistes concernés l’avaient activé : des délais très longs, des coûts prohibitifs, un manque d’information, et surtout l’absence de documents anciens, souvent égarés.

Autant dire qu’une large majorité de celles et ceux qui ont été lésés restent sans aucune voie de réparation réelle.

Une responsabilité historique — et politique

Les documents montrent que l’illégalité n’était pas le fruit d’un dysfonctionnement mineur ou ponctuel, mais d’un système entier pensé et assumé, et ce malgré des alertes internes.

Aujourd’hui, le débat — ravivé en 2025 — sur la gouvernance du régime des artistes-auteurs a mis en lumière la responsabilité directe des anciens administrateurs, et non celle des auteurs victimes.

C’est moins une affaire privée qu’un scandale institutionnel d’ampleur nationale — à la hauteur de la confiance accordée pendant des décennies à l’Agessa par des créateurs en quête de sécurité sociale.

Un appel à la reconnaissance et à la justice

En tant qu’éditeur·ice, en tant que maison de livres, nous ne pouvons rester indifférents face à cette histoire. Beaucoup d’auteur·es, souvent vulnérables — peu de revenus, des carrières morcelées, des parcours de vie artistiques fragiles — ont été oublié·es.

Il est urgent que :

  • leurs droits soient réparés, dans la mesure du possible
  • la responsabilité de ceux qui ont dirigé le régime soit pleinement reconnue
  • un mécanisme de soutien (information, aide financière, accompagnement administratif) soit mis en place pour celles et ceux qui n’ont pas les moyens de racheter des trimestres
  • la mémoire collective rende justice à ces carrières et à ces œuvres — en montrant que derrière chaque livre, chaque texte, il y a une personne, une vie, un avenir bouleversé

Témoigner pour ne pas oublier

Quand on connaît des écrivains ou des artistes-auteurs concernés, il serait précieux de recueillir leurs témoignages : leurs espoirs, leurs indignations, parfois leurs désespoirs. Ces voix sont essentielles pour documenter l’ampleur du drame humain.

Pour une maison d’édition comme la nôtre, publier des textes — romans, essais, récits —, c’est aussi porter une responsabilité morale : celle de soutenir les créateurs dans leur dignité et d’affirmer que créer ne devrait jamais condamner à l’absence de droits sociaux. Les Éditions Tesseract seront toujours du côté des auteur·e·s.


Sources : la majeure partie des informations sont issues de la série d’articles rédigés par Nicolas Gary pour le site Actualitté

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